De nombreux accidents graves reliés aux manœuvres de recul sont survenus ces dernières années1. La scène est sensiblement toujours la même: des travailleurs se trouvent dans les angles morts des véhicules et les conducteurs ne les voient pas alors qu’ils font une manœuvre de recul. Ce type d’événement est survenu à quelques reprises dans le secteur de l’administration provinciale. L’APSSAP a préparé ce dossier thématique pour guider sa clientèle dans la prise en charge des risques reliés aux manœuvres de recul.
1CNESST,Projet de règlement modification du Code de sécurité pour les travaux de construction (manœuvre de recul des véhicules automoteurs) 4-02-2015 (p.3)
Agir sur l’équipement, est-ce suffisant ?
Il existe plusieurs moyens d’améliorer la visibilité des conducteurs. Le document « L’amélioration de la visibilité autour des véhicules de transport » rédigé par Via Prévention en donne des exemples, entre autres, en ce qui a trait à l’ajustement des miroirs. Bien que ces moyens permettent d’améliorer la visibilité, ils ne permettent pas d’éliminer complètement les angles morts. L’installation de caméras peut représenter un bon moyen d’éliminer certains de ceux-ci, notamment à l’arrière du véhicule. Or, la visibilité à l’aide de caméras n’est pas toujours optimale dans certaines circonstances (pluie, poussière, soleil, etc.). De plus, une défaillance de la technologie n’est pas impossible. Ainsi, il est difficile d’assurer une visibilité parfaite et en tout temps pour les conducteurs.
Il existe également des moyens pour avertir les travailleurs qu’un véhicule effectue une manœuvre de recul. À cet effet, il est obligatoire pour certains types de véhicules d’être munis d’une alarme de recul2. La vidéo de l’IRSST « Alarme de recul – Une utilisation optimale» propose des recommandations sur les conditions idéales d’installation et d’utilisation des alarmes de recul.
2Code de sécurité pour les travaux de construction, art. 3.10.12.
Dans un contexte de chantier, les conditions optimales ne sont pas toujours réunies. De plus, dans certains cas, les travailleurs deviennent accoutumés aux alarmes de recul et n’y portent plus nécessairement attention. Dans bien des cas d’accidents, malgré l’avertissement sonore de l’alarme de recul, les victimes sont restées dans la zone dangereuse et ont été heurtées. L’article « Manoeuvre de recul fatale », publié dans la revue prévention au travail, en donne un bon exemple. Ainsi, ce dispositif sonore peut certainement permettre de diminuer les risques d’accident, mais il ne semble pas suffisant à lui seul pour les éliminer complètement. Comment donc éviter que de tels accidents surviennent ?
La gestion de la circulation
Le Code de sécurité pour les travaux de construction (CSTC) exige que des mesures de prévention spécifiques soient mises en place lorsqu’il est nécessaire d’effectuer une manœuvre de recul qui peut compromettre la sécurité de certaines personnes sur le chantier. Les différentes exigences prévues au CSTC à cet effet sont présentées dans l’Édition printemps 2016, Prévenir aussi , publiée par l’ASP Construction. On y précise, entre autres, que le maître d’œuvre doit planifier des moyens de contrôle de la circulation sur le chantier.
Afin de s’assurer d’une gestion de la circulation efficace, les responsables de chantier auraient avantage à utiliser la démarche préventive suivante : identifier, corriger, contrôler.
Identifier
Avant même le début des travaux, les situations susceptibles d’entraîner l’exécution de manœuvres de recul devraient être identifiées. Les différents moyens de prévenir les risques reliés à celles-ci devraient ensuite être analysés. Dans la mesure du possible, des moyens permettant l’élimination complète des manœuvres de recul devraient être privilégiés. Dans les cas où celles-ci ne peuvent être éliminées, la délimitation d’une aire de recul ou la présence d’un signaleur de chantier devraient alors être envisagées. La capsule de sensibilisation « Roule dans ta zone » produite par Via Prévention fait référence, entre autres, à ces stratégies de contrôle de la circulation et à l’obligation, dans certains cas, de consigner celles-ci par écrit dans un plan de circulation. L’image ici-bas illustre des exemples de plans de circulation prévoyant la présence d’un signaleur (exemple 1) ou d’une zone de recul (exemple 2).
Source : ASP Construction
Corriger
Pour permettre d’éliminer (corriger) les risques, les règles de circulation prévues doivent réellement être mises en application sur le chantier. Ainsi, un espace de retournement ou une aire de recul devraient être délimités et identifiés clairement lorsque la planification de la circulation prévoit de telles zones sur le chantier. Dans les cas où la planification prévoit plutôt la présence d’un signaleur de chantier, des travailleurs devraient être formés pour assumer ce rôle (article 2.8.3 du CSTC). La formation « Signaleur de chantier » de l’APSSAP répond aux exigences du CSTC à ce sujet. Les équipements nécessaires au signaleur devraient également leur être fournis et être fonctionnels (vêtements de visibilité, moyens de communication, etc.). De plus, les règles de circulation devraient être communiquées à toutes les personnes concernées. Cela implique, entre autres, d’informer tous les conducteurs de l’importance d’utiliser une zone désignée ou d’attendre le signaleur avant de faire une manœuvre de recul. Les travailleurs à pied devraient également être informés des règles de circulation et de l’importance de ne pas se déplacer dans les angles morts des véhicules.
La capsule de sensibilisation « T’es pas tout seul », produite par Via Prévention fait référence, entre autres, à l’importance de la communication et de la sensibilisation auprès des travailleurs.
Contrôler
Finalement, des visites de chantiers devraient être effectuées afin de s’assurer, entre autres, que l’aménagement est conforme à la planification, que les équipements sont fonctionnels et que les différents acteurs respectent les règles de circulation établies. Voici des exemples de vérifications pertinentes à effectuer lors de ces visites de suivi:
Concernant l’aménagement, les conducteurs et leurs véhicules
Les zones de recul sont-elles bien délimitées et clairement identifiées?
Les alarmes de recul sont-elles fonctionnelles sur les véhicules concernés?
Les conducteurs utilisent-ils les zones de retournement ou aires de recul?
En l’absence de zones dédiées, les conducteurs attendent-ils un signaleur de chantier avant de reculer et respectent-ils les indications de celui-ci?
Les conducteurs immobilisent-ils leur véhicule lorsqu’ils ne voient plus le signaleur de chantier ou que les indications de celui-ci ne sont pas claires?
La capsule de sensibilisation « Attends l’signal », produite par Via Prévention, résume bien les responsabilités des conducteurs.
Concernant le signaleur de chantier
Le signaleur de chantier est-il facilement repérable (porte-t-il les vêtements de visibilité requis)?
Au besoin, des moyens de communication (ex. radio) sont-ils disponibles et fonctionnels?
Avant de faire reculer un véhicule, le signaleur de chantier éloigne-t-il les travailleurs et s’assure-t-il que la zone est libre?
Le signaleur de chantier est-il positionné de manière à être vu par le chauffeur et demeure-t-il à l’extérieur de la trajectoire et des angles morts du véhicule?
Les indications du signaleur de chantier (signaux manuels ou par radio) sont-elles claires et faciles à comprendre?
Le signaleur de chantier fait-il arrêter le véhicule s’il y a un problème de communication avec le conducteur ou lorsque des travailleurs s’approchent?
Concernant les travailleurs à pied
Les travailleurs à pied sont-ils attentifs à leur environnement et aux déplacements des véhicules?
Les travailleurs à pied évitent-ils de se déplacer dans les angles morts des véhicules? (Zones en rouge sur l’image)
Les travailleurs à pied s’assurent-ils d’être vus par le conducteur du véhicule et le signaleur de chantier s’ils doivent s’approcher de la zone d’activité?
Source : ASP Construction
Le but de ces vérifications n’est pas de prendre les travailleurs en défaut, mais plutôt de comprendre, le cas échéant, pourquoi les règles de circulation ne sont pas mises en application adéquatement. Dans bien des cas, cela peut être dû à des facteurs tels qu’un aménagement inadéquat, une mauvaise communication, un manque d’informations, des équipements inadéquats ou défectueux, un manque de ressources, etc. Le suivi vise donc à constater les lacunes et à mettre en place les moyens nécessaires pour une application optimale des règles de circulation. Dans certains cas, des mesures administratives ou disciplinaires peuvent être nécessaires auprès de certains individus.
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